Point de l’ordre du jour 5a PEC 01/03   

Conférence paneuropéenne sur la sécurité sanitaire et la qualité des aliments

Budapest, Hongrie, 25 – 28 février 2002

DOCUMENT DE TRAVAIL

Point 1 : Questions d’actualité et problèmes non résolus
Moyens de les gérer

France


  1. Des systèmes anticipatifs pour détecter les dangers et les risques
  2. Des systèmes de contrôles réactifs
  3. Comment informer et éduquer les consommateurs

Les questions de sécurité sanitaire et de qualité des aliments revêtent une importance particulière pour la région Europe. La problématique de l’encéphalopathie spongiforme bovine, les thèmes relatifs à l’antibiorésistance, aux dioxines, de même que les craintes face aux innovations technologiques dans le domaine des biotechnologies (organismes génétiquement modifiés) font souvent la une de l’actualité. Au-delà même des sujets sous les feux de l’actualité, d’autres préoccupations moins médiatisées de sécurité sanitaire des aliments et de santé publique mobilisent les responsables nationaux, européens et internationaux. Ainsi, en est-il, pour en mentionner quelques-unes, de la lutte contre les zoonoses (les salmonelles, les germes du genre listéria), de la détection des contaminants (mycotoxines, métaux lourds…), des résidus de pesticides, ou encore des contaminations radioactives accidentelles.

Ces problèmes de sécurité sanitaire des aliments et de santé publique sont complexes et systémiques, car ils couvrent un vaste champ allant de l’environnement de la production jusqu’aux comportements du consommateur final. L’identification même des risques pour l’homme est difficile ou tardive, par exemple dans le cas de l’antibiorésistance. Ces difficultés proviennent de la complexité de la chaîne alimentaire et rejaillissent dans la surveillance de chacun de ses points, comme par exemple en matière d’hygiène, de contaminants ou encore de la présence d’OGM. Ces questions de sécurité sanitaire et de santé publique conduisent immanquablement à un ensemble des questions juridiques et économiques quant à la responsabilités des producteurs, des fabricants, des importateurs, des exportateurs, des pouvoirs publics, sur un marché européen ouvert.

Mais les préoccupations des populations européennes, à la fois citoyens et consommateurs, vont également au-delà de la sécurité des aliments. Les consommateurs font valoir une forte revendication au droit de choisir et à disposer des moyens de faire des choix éclairés sur la qualité des produits alimentaires. Ils veulent accéder à plus d’informations, que ce soit sur l’évaluation des risques à court ou long terme, et la maîtrise de ces risques ou que ce soit sur les modes de production. Bref, c’est une revendication d’être informés et de participer aux processus de décisions politiques portant sur la sécurité et la qualité des aliments, l’eau y compris.

Pour répondre au mieux à toutes ces préoccupations légitimes des populations, et face à ces problèmes complexes et systémiques, des exigences méthodologiques s’imposent. Une gestion efficace des risques sanitaires doit en effet obéir à une démarche structurée. Elle requiert la mise en place de systèmes anticipatifs pour détecter les dangers et les risques, ainsi que de systèmes de contrôles réactifs. Au-delà de la sécurité sanitaire des aliments, la maîtrise de la qualité des aliments et la confiance des consommateurs requièrent de nouveaux modes de relations entre les acteurs.

I. Des systèmes anticipatifs pour détecter les dangers et les risques

Pour être efficaces, les systèmes anticipatifs doivent s’articuler autour de deux éléments, d’une part, la surveillance des maladies humaines liées à l’alimentation, la détection des dangers biologiques, physiques et chimiques liés aux aliments, et d’autre part, l’évaluation des risques détectés.

1. Réseaux de surveillance

  1. Réseaux de surveillance des maladies humaines liées à l’alimentation
  2. La surveillance permanente de l'état de santé de la population et l'analyse de son évolution ont été confiées à l'Institut de veille sanitaire (INVS), établissement public d'Etat placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé. Cette surveillance s'applique notamment aux maladies d'origine alimentaire.

    Différents systèmes de surveillance sont exploités, pour obtenir les données les plus exhaustives possibles, et ainsi avoir en toute connaissance de cause les éléments permettant d'ajuster les politiques de santé aux besoins de la population.

    Certaines maladies sont à déclaration obligatoire, chaque cas est donc signalé et enregistré, et les commémoratifs exploités en vue de déterminer les causes de la contamination. C'est notamment le cas du botulisme, de la listériose et des toxi-infections alimentaires collectives, dont la voie d'entrée est exclusivement alimentaire, mais aussi de la brucellose et de la tuberculose, dont la voie d'entrée alimentaire est occasionnelle.

    Les centres nationaux de référence communiquent également leurs données pour contribuer à cette surveillance. Il s'agit de laboratoires d'expertise microbiologique et/ou de centres de surveillance épidémiologique, qui sont choisis et agréés pour leur excellence. Ils sont destinataires des souches microbiennes relevant de leur spécialité et en assurent le typage systématique. Ils collaborent étroitement avec les laboratoires nationaux de référence homologues travaillant sur les aliments, ce qui permet d'affiner la surveillance des germes pathogènes, et éventuellement, d'alerter les pouvoirs publics sur l'existence d'un danger émergent. Les centres nationaux de référence collaborent également avec les laboratoires et observatoires européens et mondiaux.

    Ce dispositif de surveillance comprend également la participation d'un réseau de laboratoires et de services hospitaliers, notamment dans le domaine des maladies dont la déclaration n'est pas obligatoire. L'objectif est de connaître les tendances évolutives de la maladie et de disposer de quelques caractéristiques épidémiologiques de celle-ci. La plupart du temps, chaque cas signalé dans le cadre du réseau fait l'objet d'une demande de complément d'information auprès du clinicien.

    Pour compléter ce système, un réseau de 500 médecins "sentinelles", médecins généralistes dispersés sur l'ensemble du territoire, fait systématiquement remonter, selon une fréquence hebdomadaire, l'ensemble des cas qui ont été recensés. Un tel réseau fonctionne par exemple pour les diarrhées aiguës.

    Enfin, lorsque cela apparaît nécessaire, l'Institut de veille sanitaire organise sur une période déterminée des enquêtes épidémiologiques dont le but est, soit d'estimer une prévalence dans une population, soit de déterminer les facteurs d'exposition prédisposant à la maladie.

    Ces différents dispositifs sont complémentaires et interactifs, leur coordination est donc assurée par l'Institut de veille sanitaire, qui collecte les données, les exploite et les publie.

    La population est régulièrement sollicitée dans le cadre des enquêtes, qui sont réalisées auprès des malades mais aussi, pour pratiquer les comparaisons indispensables, auprès de personnes volontaires en bonne santé. Toutes les précautions sont alors prises pour assurer l'anonymat des personnes, conformément aux obligations qui sont définies en France par voie réglementaire.

    Les résultats, ainsi que les recommandations, sont diffusés aux professionnels de santé, afin qu'ils relaient l'information auprès de leurs patients. Ces données sont communiquées aux administrations qui assurent les contrôles des aliments (agriculture et consommation) conformément au protocole de coopération qui définit la nature des informations échangées entre ces administrations, qui cogèrent également les alertes alimentaires. L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) est également destinataire des données qui peuvent lui être utiles dans sa mission d'évaluation des risques alimentaires. Celles-ci sont également communiquées à la Commission européenne et à l'Organisation mondiale de la santé.

  3. Réseaux de surveillance et de contrôle des dangers biologiques, physiques et chimiques liés aux aliments (animaux, végétaux)
  4. En France, des plans de surveillance et des plans de contrôle sont mis en place. Les plans de surveillance relèvent principalement de l’évaluation d’une situation globale d’exposition du consommateur à un risque. Ils s’appuient sur un échantillonnage aléatoire : les prélèvements sont réalisés strictement au hasard. Les plans de contrôle relèvent quant à eux de la volonté de lutter contre les non-conformités, les fraudes ; ils s’appuient sur un échantillonnage ciblé.

    La mise en œuvre de ces plans est réalisée par les services locaux du ministère de l’agriculture (Direction générale de l’alimentation, DGAL) et du ministère chargé de la consommation (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, DGCCRF). Un protocole de coordination des contrôles établi entre les deux administrations prévoit une information mutuelle et préalable des directions sur leurs projets de plans de contrôles et d’enquêtes d’intérêt national en matière de sécurité alimentaire. Une instance de coordination est prévue pour valider les propositions respectives en vue d’une saisine de l’AFSSA sur ces projets. Dans les domaines de compétence partagée, des enquêtes conjointes peuvent être programmées.

    Les plans de contrôle et les plans de surveillance sont mis en place à tous les stades des filières : élaboration des matières premières, fabrication des produits, distribution, importation.

    Pour ces tâches, le réseau fait intervenir les 8 laboratoires rattachés à la DGCCRF – ministère de la consommation et les laboratoires vétérinaires départementaux ainsi que les laboratoires nationaux de référence de l’AFSSA sur lesquels s’appuie la DGAL - ministère de l’agriculture.

    Enfin, il convient également de signaler la coopération entre l’Institut français de recherche et d’exploitation de la mer (IFREMER ) et l’agence de l’eau pour la surveillance de la qualité des eaux des bassins versants littoraux ayant un impact sur la qualité sanitaire de certains produits de la pêche.

2. Evaluation des risques

Il importe donc que l’évaluation des risques, qui rappelons-le, sert à la prise de décisions du gestionnaire des risques incluant l’élaboration de la réglementation en matière de sécurité sanitaire des aliments, réponde à plusieurs critères : s’appuyer sur des informations scientifiques et techniques utiles et disponibles, être issue d’une expertise scientifique de très haut niveau, être la plus objective possible et en particulier n’avoir aucune interaction avec les lobbies économiques, être transparente.

  1. L’évaluation des risques doit se fonder sur des bases scientifiques solides 
  2. En France, diverses instances participent à la recherche et à l’évaluation dans le champ de la sécurité sanitaire des aliments:

    • l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA). Il a créé des relations durables avec l’Institut National de la Santé et de la Recherche médicale (INSERM) et des équipes hospitalo-universitaires dans ces domaines. De nombreux travaux ont pris de l’ampleur dans les domaines de la sécurité des aliments tant chimique que biologique. Ils concernent essentiellement la microbiologie et l’hygiène et visent à optimiser le rôle des micro-organismes utiles et à minimiser l’impact des nuisibles. Parallèlement, l’INRA a conduit une réflexion sur ses missions de veille, de prospective et d’expertise. Le développement de méthodes d’analyses des risques et d’aide à la décision devient une priorité. Par ailleurs, l’INRA a décidé d’augmenter de 40 % dans les quatre années à venir les moyens qu’il consacre à la nutrition humaine et aux relations entre l’alimentation et la santé.


    • l’AFSSA constitue avec 13 laboratoires nationaux spécialisés, un centre de recherche et d’appui technique en matière de sécurité sanitaire des aliments ;


    • l’IFREMER intervient notamment dans le domaine de la virologie et de l’épidémiologie des gastro-entérites virales dont l’origine alimentaire est liée à l’ingestion de coquillages. Les progrès réalisés sur la connaissance des génomes des virus de type Norwalk like permettent de les détecter dans des échantillons cliniques et environnementaux.


    • l’INSERM mène des études sur le cancer et sur les maladies d’origine nutritionnelle. Il réalise également des expertises collectives (carence nutritionnelle, obésité) dont certaines portent sur des dangers susceptibles d’intéresser la sécurité des aliments (dioxines).

  3. Une évaluation scientifique performante, indépendante de la gestion, mais interactive
  4. Afin de garantir l’indépendance et la transparence de ce support scientifique et technique de haute qualité, certains pays ou groupement d’intérêt régional ont décidé de séparer l’évaluation des risques de la gestion des risques, tout en maintenant les seules interactions indispensables dans une approche pragmatique. Cette logique est d’ailleurs internationalement reconnue puisque selon le Codex alimentarius, une séparation fonctionnelle doit exister entre l’évaluation et la gestion des risques.

    En France, la loi a créé en 1998 une structure d’expertise scientifique, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), chargée d’évaluer les risques sanitaires et nutritionnels que peuvent présenter les aliments destinés à l’homme et à l’animal, y compris ceux pouvant provenir des eaux destinées à la consommation humaine. Elle a aussi pour mission d’assurer l’appui scientifique et technique nécessaire à l’élaboration de la réglementation. Cette structure a une compétence scientifique large appliquée à la sécurité alimentaire, depuis la production des matières premières (produits animaux et végétaux) jusqu’à la distribution au consommateur final.

    Elle est organisée autour de comités d’experts spécialisés en matière de nutrition, microbiologie, biotechnologie, encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles, résidus et contaminants chimiques et physiques, alimentation animale, matériaux au contact, additifs, arômes et auxiliaires technologiques, santé animale, eaux. Placée sous la triple tutelle des ministères de l’agriculture et de la pêche - de l’économie, des finances et de l’industrie (consommation), - et celui de la solidarité et de l’emploi (santé), l’AFSSA est une agence qui rend des avis scientifiques indépendants. De manière à en garantir l’indépendance, les membres de ses comités d’experts spécialisés ont été nommés après appel public à candidature.

    Les gestionnaires français du risque travaillent en étroite collaboration avec l’AFSSA. Consultée obligatoirement pour tout changement de la réglementation liée à la sécurité sanitaire des aliments, l’AFSSA peut proposer toute mesure qu’elle juge opportune pour préserver la santé publique. L’AFSSA a également un rôle de veille et d’alerte, un devoir d’information et de transparence. Ses avis et recommandations sont rendus publics. Elle ne dispose d’aucun pouvoir de contrôle.

  5. Coopération entre les instances d’évaluation nationales et régionales
  6. Au niveau communautaire, cette séparation de l’évaluation et de la gestion du risque va être concrétisée au début de l’année 2002 avec la création de l’Autorité alimentaire européenne, qui aura pour tâche d’évaluer les risques, la gestion relevant de la Commission européenne et du Conseil. Pour contribuer utilement grâce à son expertise à la sécurité sanitaire des aliments, et partant, à la prévention des crises graves dans la communauté, la future Autorité alimentaire européenne travaillera en synergie avec le réseau des structures d’évaluation du risque des Etats membres.

II. Des systèmes de contrôles réactifs

Pour être réactifs, les systèmes de contrôle doivent, en tenant compte de toute la chaîne de production et de distribution des aliments, se baser sur la coopération de l’ensemble des acteurs intervenant au niveau des filières alimentaires : ceux qui produisent les denrées alimentaires, les transforment et en font le commerce, les autorités de contrôles et les consommateurs.

1. Responsabilisation des professionnels

Les professionnels ont la responsabilité première de la mise sur le marché de leurs produits. Ils participent à la sécurité sanitaire des aliments de diverses manières.

  1. L’obligation de vérification de la part des entreprises
  2. Les textes actuels, notamment ceux du Code de la consommation ou du Code rural, imposent aux responsables de la mise sur le marché (importateurs, fabricants) d’un produit de vérifier que celui-ci est conforme aux prescriptions en vigueur relatives à sécurité et à la santé des personnes ainsi qu’à la loyauté des transactions commerciales et la protection des consommateurs. Ce dispositif d’autocontrôle s’applique également aux distributeurs dans le cadre de leur propre responsabilité dans la filière. Les entreprises doivent donc mettre en place un dispositif de vérification interne efficace, pertinent et fiable pour détecter les éventuelles défaillances de leur système de production, tant pour ce qui concerne la sécurité que la qualité des produits. Pour assurer cette responsabilité, les entreprises doivent mettre en place un dispositif de suivi et de maîtrise de leur processus. Pour valider l’efficacité, elles sont amenées à vérifier la conformité de leurs produits par des analyses de laboratoires réalisées par un laboratoire soit interne aux entreprises soit extérieur à celles-ci.

    Pour donner plus de crédibilité aux résultats de leurs analyses, les entreprises peuvent s’engager sur la voie de l’accréditation de leur propre laboratoire d’analyse. Elles donnent ainsi des garanties de fiabilité et de transparence qui sont reconnues par l’autorité de contrôle et par leurs propres clients.

  3. Divers outils à disposition
  4. Les guides de bonnes pratiques d’hygiène

    En France, plusieurs filières se sont dotées de guides de bonnes pratiques d’hygiène recommandées par le gestionnaire du risque (réglementations française et communautaire). Ces guides, rédigés par les organisations professionnelles et validés par l’autorité compétente sur avis scientifique de l’AFSSA, se fondent sur la mise en œuvre du système HACCP qui permet de définir préventivement les moyens de maîtrise et de surveillance des risques spécifiés.

    La normalisation et l’harmonisation des méthodes d’analyse

    La normalisation française et européenne s’est depuis longtemps attachée à l’harmonisation des méthodes d’analyses dans les denrées alimentaires. Les normes signalent une volonté de contracter un certain nombre d’engagements. De nombreuses entreprises mettent ainsi en place des référentiels techniques qui décrivent les caractéristiques des produits, le processus de fabrication ou encore les méthodes d’analyse et de contrôle, qui résultent de la démarche volontaire. En France, cette pratique est bien intégrée ; l’Agence française de normalisation (AFNOR) coordonne l’élaboration de ces normes.

    La certification

    Il s’agit d’un système volontaire qui consiste à faire certifier la démarche de maîtrise de la qualité de l’entreprise. En France, la certification est réalisée par un organisme indépendant et accrédité. Plus de 1000 sites industriels agro-alimentaires français disposent déjà d’un certificat d’assurance qualité résultant de la mise en œuvre des normes ISO 9000.

    La traçabilité des produits

    Il s’agit d’établir et de tenir à jour des procédures écrites d’information enregistrées et d’identification des produits ou lots de produits, à l’aide de moyens adéquats, en vue de permettre de remonter aux origines et de connaître les conditions de production et de distribution de ces produits ou lots de produits. La traçabilité est un élément essentiel pour les systèmes de certification d’assurance qualité ou de certification de produits, et les entreprises agroalimentaires françaises sont de plus en plus nombreuse à la mettre en œuvre.

2. Principes généraux de contrôles réalisés par les services de contrôle officiels

  1. L’approche intégrée des contrôles
  2. Pour assurer la sécurité des denrées alimentaires, il est désormais important de prendre en considération tous les aspects de la chaîne de production alimentaire dans sa continuité, à partir de la production primaire (y compris les aspects de santé et de protection animales) et de la production d’aliments pour animaux, jusqu’à la distribution des denrées alimentaires au consommateur final. Chaque élément, y compris l’environnement des produits, peut avoir en effet un impact sur la sécurité sanitaire des aliments.

    Ainsi par exemple dans le cas de la crise de la dioxine en Belgique en 1999, on a pu démontrer que les fortes contaminations par de la dioxine de certains produits d’origine animale étaient dues à l’ingestion par des animaux de dioxine présente dans leurs aliments à la suite d’une pollution accidentelle. Autre exemple, la mise en évidence de salmonelles dans les aliments peut être non seulement liée à des défauts d’hygiène au niveau des entreprises agroalimentaires, mais aussi à la contamination par ce germe des animaux dont ils sont issus.

    Cette approche intégrée facilite la circulation de l’information, l’exécution des décisions ainsi que la réalisation des contrôles . Elle permet une meilleure cohérence et une meilleure efficacité non seulement des réseaux d’épidémiosurveillance, c’est-à-dire le recueil d’informations en matière de maladies humaines et animales, mais aussi des mesures de lutte contre les zoonoses (salmonelloses par exemple) ou des plans de surveillance des contaminants des aliments. Cette approche de contrôle de filière s’avère particulièrement indispensable dans la gestion des risques liés à l’encéphalopathie spongiforme bovine : cohérence de suivi depuis la ferme (épidémiosurveillance) jusqu’à la distribution (traçabilité des viandes), en passant par l’abattoir (retraits des matériels à risque spécifiés par exemple). Dans cette approche, la traçabilité est un outil utile.

  3. La traçabilité
  4. La traçabilité est un élément essentiel de garantie de la sécurité sanitaire des aliments. En effet, lors de l’apparition d’un danger (par exemple une toxi-infection alimentaire), il convient pour le gestionnaire du risque de pouvoir retrouver l’aliment incriminé, de procéder rapidement au retrait précis et ciblé des produits dangereux, d’informer les consommateurs et les agents chargés du contrôle des aliments, de remonter le cas échéant toute la chaîne alimentaire de façon à connaître l’origine du problème et de le régler.

    C’est donc grâce à la traçabilité que les gestionnaires du risque limitent l’exposition au risque des consommateurs et de fait l’impact économique des mesures pour les entreprises en ciblant les produits à risque. Afin d’être efficace, le système de traçabilité doit concerner tous les stades de la filière, de l’animal vivant ou de la matière première au produit fini, de l’exploitation d’élevage aux entreprises du secteur alimentaire en passant par les entreprises du secteur de l’alimentation animale.

    Dans l’Union européenne, tous les bovins sont identifiés. Un système informatisé, le réseau ANIMO permet de suivre les mouvements d’animaux au sein de l’UE. Lorsque les animaux sont abattus, l’abattoir consigne les renseignements relatifs aux animaux dans ses registres et dispose d’un système de traçabilité lui permettant de relier les carcasses qui en sont issues à un animal. Les carcasses sont munies d’une estampille permettant d’identifier l’abattoir d’origine. Par ailleurs, lorsque ces viandes sont mises sur le marché, elles sont accompagnées d’un document d’accompagnement indiquant notamment l’établissement de d’origine et l’établissement de destination. Ce type de système se répète à chaque niveau de transformation ultérieure des produits.

3. Coopération entre les services de contrôles officiels :

  1. Au niveau national
  2. La coopération entre les services de contrôles peut être illustrée par le cas de la lutte contre la Listéria.

    En France, la surveillance de la listériose est assurée par le Centre national de référence des Listeria (Institut Pasteur de Paris - IPP) qui centralise et caractérise les souches de Listeria monocytogenes provenant des laboratoires privés ou publics et par la déclaration obligatoire effectuée par les médecins des services locaux du ministère chargé de la Santé. Sur la base des informations provenant de l'interrogatoire des malades ou de leurs proches sur les habitudes alimentaires, les agents des services vétérinaires ainsi que ceux des services locaux de la Consommation peuvent être amenés à procéder à des investigations au niveau des réfrigérateurs des malades ou des lieux d'achats. En effet, le but de l'interrogatoire alimentaire est de pouvoir identifier par recoupement des différents questionnaires, les éléments communs (aliments, enseignes, etc.) entre des patients infectés par des souches similaires afin de pouvoir remonter éventuellement à une source commune de contamination. Cette analyse est menée par l'Institut de veille sanitaire (INVS). Les enquêtes concernant les cas groupés de listériose sont coordonnées au niveau national par une cellule de coordination des investigations regroupant des représentants du ministère chargé de la Santé, du ministère chargé de l’Agriculture, du ministère chargé de la Consommation, de l'IPP et de l'INVS.

  3. Au niveau régional
  4. La coopération entre services de contrôle au niveau régional est indispensable notamment dans le cas d’apparition de problèmes sanitaires. Cette coopération permet d’accroître la rapidité et l’efficacité des mesures de gestion des risques.

    Une illustration a été la gestion de la crise de la dioxine dans l’Union européenne. Cette crise a débuté à la fin du mois de mai 1999, lorsque les autorités belges ont alerté la Commission européenne et les autres Etats membres de la forte contamination de certains produits d’origine animale par de la dioxine.

    L’affaire avait commencé en Belgique quelques mois plus tôt, au mois de février, avec l’apparition de signes cliniques non habituels sur des cheptels de volaille. Les investigations menées par les services belges ont démontré que ces symptômes étaient liés à une intoxication des animaux par de la dioxine présente probablement dans leurs aliments, et ont permis d’identifier le producteur d’aliments pour animaux concerné ainsi que l’établissement ayant préparé les graisses utilisées dans les aliments, à l’origine du problème.

    Les autorités belges ont alors effectué des enquêtes de traçabilité afin de déterminer quelle pouvait être l’ampleur des dégâts. Elles ont informé la Commission européenne et les autres Etats membres, et décidé de détruire l’ensemble des œufs et des volailles contaminés.

    La collaboration étroite entre les autorités des Etats membres concernés et la Commission a permis de procéder rapidement au retrait et à la destruction des produits pouvant être dangereux pour la santé humaine, et de détecter les cheptels animaux ayant pu consommer des aliments susceptibles d’avoir été contaminés. Pour la France en particulier, cette coopération a conduit à la mise en place des mesures suivantes :

    • retrait et destruction des produits d’origine belges pouvant être contaminés se trouvant sur le territoire français;
    • compte tenu de l’introduction en France de deux lots de graisses suspectes provenant de l’établissement belge ayant préparé les graisses utilisées dans les aliments à l’origine du problème, une enquête de traçabilité a été réalisée sur le territoire français afin de détecter les cheptels ayant pu consommer des aliments susceptibles d’avoir été contaminés. Ces cheptels suspects ont été soumis à des mesures de restriction;
    • retrait et destruction des produits issus des cheptels français suspects.

    En conclusion, la collaboration étroite entre les différents Etats membres impliqués dans cette crise ainsi que les services de la Commission européenne a permis de réduire plutôt rapidement l’exposition au risque des consommateurs. Aucune conséquence néfaste de cette contamination sur la santé humaine n’a jusqu’à présent été identifiée, ce qui tend à prouver l’efficacité des mesures mises en place.

4. Coopération services de contrôles officiels/professionnels

La coopération est indispensable tout particulièrement lors de la gestion des alertes et crises d’origine alimentaire. L’interaction entre les dispositifs de maîtrise et d’autocontrôle mis en place par les entreprises et la surveillance par les pouvoirs publics de la qualité sanitaire des aliments au niveau national permettent de renforcer la qualité et la sécurité des produits. Particulièrement, la gestion des alertes et des crises nécessite une coordination efficace entre tous les acteurs pour que les impératifs de sécurité et les exigences légitimes des consommateurs soient satisfaites, en limitant le plus possible les effets néfastes ou dommageables pour une filière.

Cette gestion des alertes et des crises implique donc une coopération entre les administrations directement en charge de la gestion de ces alertes et crises (ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, ministère de l’agriculture et de la pêche, ministère chargé de la santé) et des représentants des fabricants de produits alimentaires et des distributeurs. Le dispositif public de gestion des alertes et des crises n’a pas vocation à se substituer à la propre organisation ou au dispositif de gestion de crise de chaque entreprise, mais simplement d’aider à une meilleure articulation entre les divers acteurs concernés par une alerte ou une crise : fabricants, importateurs, utilisateurs intermédiaires de matières premières entrant dans la composition du produit fini, distributeurs, administrations au niveau central ou local.

On distingue trois phases dans ces situations :

  1. La première correspond au signalement du risque, du danger, phase qui comprend une évaluation et un échange d’informations sur le danger entre les parties concernées, c’est la phase d’alerte ;


  2. La seconde phase correspond à la gestion proprement dite de la non conformité ou de la crise. Elle se traduit par un échange d’informations sur les mesures à prendre, sur le suivi de ces mesures et sur leurs résultats ;
  3. La troisième phase correspond à la sortie d’alerte ou de crise

Lorsque l’évaluation de la situation ou de l’événement le commande, l’alerte est transmise aux parties concernées à l’aide d’un cadre, la "fiche navette". La fiche navette est le document par lequel sont transmises entre les professionnels et les administrations les informations concernant un produit pouvant mettre en danger le consommateur. Elle comprend trois parties : description de l’événement, du produit et des actions réalisées, envisagées ou recommandées. Elle a pour objectif de fournir à chacune des parties les données nécessaires à la prise de décision concernant le traitement du danger. Elle peut être accompagnée au cas par cas, autant que nécessaire, d’autres informations ou documents utiles à cette décision. Elle est également utilisée pour transmettre les mises à jour de ces informations au fur et à mesure de l’évolution de la situation.Elle peut émaner soit de l’administration soit des professionnels.

Elle permet la transmission à l’entreprise des informations de l’administration : résultats des prélèvements des services de contrôle lorsqu’ils sont à la source de l’alerte, numéros de permanence des services administratifs, identification de l’interlocuteur administratif local ou national en charge du dossier. Elle s’accompagne d’une stricte confidentialité des informations entre l’entreprise et l’administration.

III. Comment informer et éduquer les consommateurs

Sécurité et qualité des aliments sont devenues une préoccupation majeure des pouvoirs publics, soucieux de répondre au mieux aux aspirations des citoyens consommateurs français. Recueillir les attentes des consommateurs, faire dialoguer tous les partenaires et mieux communiquer sont les axes des actions menées par les pouvoirs publics.

1. Le souci de recueillir les attentes des consommateurs

Donner la parole aux citoyens consommateurs est devenu une préoccupation aiguë des autorités françaises. C’est ainsi que l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques a organisé, en juin 1998, une conférence de citoyens sur les questions relatives aux OGM. Le Gouvernement français a poursuivi, au cours des années suivantes, l’organisation de ce type de « débats démocratiques » dans des fora régionaux réunissant tous les acteurs (citoyens-consommateurs, experts scientifiques, professionnels) en l’élargissant à d’autres thèmes d’actualité et de préoccupations. C’est dans ce cadre que s’inscrivait l’ambition des Etats Généraux de l’Alimentation organisés par les autorités françaises de septembre à décembre 2000, à travers tout le pays. Les Etats Généraux de l’Alimentation ont ainsi été un processus dynamique et interactif comportant :

  • un corpus d’études qualitatives et quantitatives réalisées par un institut de sondage ;
  • une série d’ateliers de travail permettant de cerner les questions majeures du public ;
  • un recueil de questions reçues sur le site Internet des Etats Généraux ;
  • cinq fora réunissant les acteurs locaux des filières alimentaires, les milieux associatifs, les élus, les professionnels de la santé et de l’éducation, le grand public et les media ;
  • un colloque national à Paris en présence du Premier ministre.

Les Etats Généraux de l’Alimentation ont permis de clarifier les attentes du grand public en matière de qualité et de sécurité des aliments, ainsi que de mieux faire connaître les mesures mises en place pour préserver la santé publique et garantir la qualité des aliments.

2. Une étroite association de tous les partenaires dans des structures interactives

Il y a en France une enceinte spécifique pour débattre de l’alimentation d’aujourd’hui et de demain. Il s’agit du Conseil national de l’alimentation (CNA), qui a été institué en 1985 auprès des ministres chargés de l’Agriculture et de la Pêche, de la Santé et de la Consommation. Le CNA regroupe des représentants de la filière agro-alimentaire, des consommateurs, des scientifiques et des administrations. Il est consulté sur la définition de la politique de l’alimentation :

  • adaptation de la consommation aux besoins nutritionnels ;
  • sécurité des aliments pour les consommateurs ;
  • qualité des denrées alimentaires ;
  • information des consommateurs sur les produits

Un autre lieu de concertation entre les consommateurs et les professionnels sur les questions de consommation est le Conseil national de la consommation (CNC). Institué auprès du ministre chargé de la consommation, il est un organisme paritaire consultatif composé d’un collège de représentants des consommateurs et usagers et d’un collège de représentants des opérateurs économiques.

Le CNC a une double mission de :

  • Concertation entre les consommateurs et les professionnels;
  • Consultation pour les orientations des pouvoirs publics en matière de politique de la consommation.

Ces instances permettent d’être à l’écoute des personnes impliquées sur le terrain, de prendre conscience de certains problèmes émergents et de précéder, autant que possible, des crises éventuelles. Elles concourent à démocratiser les relations entre les décideurs et consommateurs en matière d’alimentation.

3. Un effort de communication de la part des autorités publiques

Les consommateurs sont responsables dans leur foyer de l’hygiène alimentaire, du stockage et de la préparation des aliments. Ils décident en outre de la composition de leur régime alimentaire. Dès lors une bonne éducation en matière de sécurité et de qualité alimentaire est primordiale pour l’acquisition de bonnes habitudes alimentaires. Dans cet objectif, le ministère chargé de la consommation et le ministère chargé de l’agriculture ont ouvert sur leurs sites Internet des rubriques spécifiques destinées à l’information et à l’éducation du grand public sur ces questions de sécurité et de qualité des aliments.

Outre le Conseil national de l’alimentation (CNA) et ses avis publics, le Conseil national de la consommation (CNC) participe à l’information et à l’éducation des consommateurs par les rapports et avis qu’il publie. Ainsi, ce dernier a-t-il rendu en 2000 un rapport et un avis relatif à l’éducation du jeune consommateur, un avis sur la qualité des fruits et légumes frais dans le commerce, ou encore en 1999 un rapport et un avis relatif à l’information des consommateurs sur les méthodes de conservation des denrées alimentaires périssables : les viandes.

Par ailleurs, le consommateur français a accès aux données générales résultant des enquêtes et analyses de l’Institut de veille sanitaire, par le site Internet de l’Institut, mais aussi par des articles publiés dans la presse. L’accent est généralement mis sur les recommandations visant à diminuer les facteurs d’exposition aux risques. Une information plus ciblée peut être organisée dans les groupes à risques, comme par exemple la prévention de la listériose chez les femmes enceintes, assurée de façon systématique dès la déclaration de grossesse.

De plus l’AFSSA, au travers de la publication de ses avis et des documents simplifiés s’y rapportant, participe également à l’information et à l’éducation du consommateur. L’information scientifique est rendue plus accessible en mettant à disposition, par le vecteur Internet, des fora de discussion (ex. : forum listéria, forum agriculture biologique), des illustrations (ex. le bateau alimentaire dans le domaine de l’équilibre nutritionnel).

Gérer les problèmes de sécurité sanitaire des aliments en Europe, c’est à dire répondre à l’une des exigences prioritaires du consommateur citoyen, nécessite la mise en place d’une démarche structurée alliant la détection précoce des dangers et des risques et la réalisation de contrôles réactifs. L’efficacité de cette démarche est basée sur l’étroite coopération entre producteurs, services de contrôle et consommateurs. De cette réflexion sur la sécurité et la qualité des aliments, on aboutit à esquisser un ensemble de recommandations.

Recommandations

De l’analyse des éléments précédents, les recommandations suivantes peuvent être dégagées :

  1. nécessité de l’établissement d’un réseau de collecte de données épidémiologiques au niveau national et régional et de son exploitation ;
  2. nécessité de développer des réseaux de recherche pluridisciplinaires ;
  3. nécessité d’organiser au niveau régional la coopération des instances d’évaluation des risques ;
  4. nécessité d’une coordination et d’une coopération des services de contrôles officiels au niveau national et régional ;
  5. nécessité de mettre en œuvre une approche de filière prenant en compte l’interaction environnementale du produit ;
  6. nécessité de favoriser le développement de la maîtrise de la sécurité sanitaire et de la qualité des produits par les professionnels, notamment par une prise en compte de leurs autocontrôles jugés efficaces par les contrôleurs publics ;
  7. nécessité d’organiser le débat public sur la sécurité sanitaire et la qualité des aliments avec la participation des consommateurs ;
  8. nécessité de renforcer l’éducation et l’information des consommateurs.